Témoignage d’une ancienne coiffeuse, recueilli en novembre 2010.
Fati (prénom modifié) : moi j’ai commencé en 1990. J’ai eu des soucis avec ma régularisation. Mes dossiers étaient perdus, j’étais sans papiers.
Vous étiez sans papiers ?
F. : oui et j’étais obligée de gagner ma vie. Je suis entrée dans la coiffure dans le quartier
de Château d’Eau.
Pendant combien d’années avez-vous travaillé ?
F. : pendant sept ans.
Vous étiez déclarée ?
F. : jamais. Nous sommes payées à la tête. Le nombre de têtes que tu fais par jour, tu calcules le chiffre d’affaires que tu fais par mois et après tu reçois un pourcentage. Parfois, je faisais 10 000 € de chiffres d’affaires. À l’époque, il y avait beaucoup de travail. Et j’avais 30 % sur les 10 000 €. Ton salaire est proportionnel au nombre de têtes.
Et les jours où vous ne coiffez pas ?
F. : tu n’as pas de salaire. Tu ne coiffes pas de tête, pas de salaire. Ton revenu à la fin du mois est incertain. Si tu travailles beaucoup, tu gagnes beaucoup. Ils payent en liquide, jamais de chèque, des billets, pas de trace.
Vous étiez un cas particulier ?
F. : non. En général, dans un salon ils déclarent une personne et les autres non. Les gérants gagnent beaucoup au niveau des charges. Une seule personne est déclarée et tous les autres n’ont pas de papiers. Il y a toujours une personne déclarée pour la vitrine et les contrôles. Les gérants exploitent cette situation. Ils préfèrent travailler avec des gens qui n’ont pas de papiers, ça leur coûte rien. Ils ne veulent pas nous déclarer, ça leur rapporterait moins s’ils devaient payer selon la loi. Les gérants empochent les cotisations ; c’est avec ça qu’ils s’enrichissent, ça les arrange.
Y’a la peur de parler, de se rebeller parmi les coiffeuses ?
F. : on ne peut pas se rebeller, car tu es sans papier. Tu ne peux rien dire. Si t’es pas contente, ils te disent de partir et comment tu fais après ? Les autres ne te suivront jamais. Conditions de travail difficiles. Toute la journée debout, à faire des tresses.
L’état d’esprit dans les salons ?
F. : malsain. Comme tu travailles à la tête, si tu ne travailles pas et que les autres travaillent, il y a beaucoup de jalousie. C’est une très mauvaise chose. Très malsain. Beaucoup de concurrence entre nous. Dans les salons, je peux vous dire, 90 % des employés ne sont pas déclarés. Ça marche comme ça. En sept ans de travail, je n’ai reçu aucun bulletin de paie. Rien.
Et les contrôles alors ?
F. : c’est tout le problème. Quand l’URSSAF vient, ils disent « Tiens ! l’URSSAF arrive », tout le monde est au courant. Ils sont prévenus. Alors ils nous disent de pas venir travailler ou de partir. Ils demandent aux coiffeurs et coiffeuses de sortir du salon. Quand l’URSSAF arrive, y’a plus personne. Ils savent mais bon… Le contrôle n’est pas assez sévère. Quand ils partent, on reprend le travail. Ça s’est toujours passé comme ça pendant des années.
Comment fonctionne un salon ?
F. : les gérants des salons ne pas les propriétaires des murs, ils sous-louent la gérance. Y’a beaucoup de pression ; ils ont mis les rabatteurs pour travailler à tout prix. Il existe des sous-sols dans les salons. Coiffeuses en bas dans la cave, celles qui n’ont pas de papiers.
Les produits utilisés pour les coiffures ne sont jamais contrôlés. Parfois, les produits sont même fabriqués sur place dans les sous-sols. Ça défrise pas, ça brûle. Tu les mets sur la tête de ta cliente et ça la brûle. Je n’ai jamais vu un contrôle sur les produits afros dans les salons. Les gérants ne veulent pas chercher le bon produit qui coûte cher.
F. montre ses carnets où sont inscrites ses notes de travail : exemple : 30 € une tête ; les tresses 130 €, ainsi de suite. Et ça c’est les preuves. Tu calcules le total, tu le donnes au patron et il te paye. À la fin du mois, je fais le total et il me donne 40 %. Les dernières années 500, 600 € par mois. Y’avait plus de boulot. Tous les salons c’est le même système.
Les gérants nous disent que les salariés sont déclarés.
F. : c’est faux, ils vous mentent. Pendant les sept années, j’ai travaillé dans quatre salons différents, c’est partout le même système.
On me dit aussi qu’il n’y a plus de rabatteurs.
F. : c’est faux, ils sont là. Ils se cachent. Ils se font discrets, mais ils sont là. Ce n’est pas possible de travailler sans rabatteur car il y a de la concurrence.
Qu’est-ce que vous pensez de cette époque ?
F. : c’était malsain. Les gérants ne voulaient pas qu’on avance dans la vie, sinon ils voudraient qu’on ait les papiers. Ce sont des profiteurs. C’était comme une prison. Je souffrais de me retrouver là, mais je ne le montrais pas. C’était pas ma place, je n’aurais jamais imaginé ça. Tout le monde ne pense qu’à l’argent. Les relations sont fausses.
Ce n’est plus de la coiffure. Ce n’est plus de l’art. C’est l’usine des cheveux. Si on contrôlait les salons, si on vérifiait que tout le monde suivait les règles, ça s’arrêterait. Aujourd’hui, ça a évolué. Cela fonctionne avec un système à l’américaine. Ils louent une place à la coiffeuse : par exemple, 2 000 €. Elle paye son fauteuil, puis elle se débrouille pour rentrer dans ses frais. Eux, ils touchent sans rien faire 2 000 € au black par fauteuil. Pour les coiffeuses, c’est très dur, car il faut beaucoup de clients.
Fati (prénom modifié) : moi j’ai commencé en 1990. J’ai eu des soucis avec ma régularisation. Mes dossiers étaient perdus, j’étais sans papiers.
Vous étiez sans papiers ?
F. : oui et j’étais obligée de gagner ma vie. Je suis entrée dans la coiffure dans le quartier
de Château d’Eau.
Pendant combien d’années avez-vous travaillé ?
F. : pendant sept ans.
Vous étiez déclarée ?
F. : jamais. Nous sommes payées à la tête. Le nombre de têtes que tu fais par jour, tu calcules le chiffre d’affaires que tu fais par mois et après tu reçois un pourcentage. Parfois, je faisais 10 000 € de chiffres d’affaires. À l’époque, il y avait beaucoup de travail. Et j’avais 30 % sur les 10 000 €. Ton salaire est proportionnel au nombre de têtes.
Et les jours où vous ne coiffez pas ?
F. : tu n’as pas de salaire. Tu ne coiffes pas de tête, pas de salaire. Ton revenu à la fin du mois est incertain. Si tu travailles beaucoup, tu gagnes beaucoup. Ils payent en liquide, jamais de chèque, des billets, pas de trace.
Vous étiez un cas particulier ?
F. : non. En général, dans un salon ils déclarent une personne et les autres non. Les gérants gagnent beaucoup au niveau des charges. Une seule personne est déclarée et tous les autres n’ont pas de papiers. Il y a toujours une personne déclarée pour la vitrine et les contrôles. Les gérants exploitent cette situation. Ils préfèrent travailler avec des gens qui n’ont pas de papiers, ça leur coûte rien. Ils ne veulent pas nous déclarer, ça leur rapporterait moins s’ils devaient payer selon la loi. Les gérants empochent les cotisations ; c’est avec ça qu’ils s’enrichissent, ça les arrange.
Y’a la peur de parler, de se rebeller parmi les coiffeuses ?
F. : on ne peut pas se rebeller, car tu es sans papier. Tu ne peux rien dire. Si t’es pas contente, ils te disent de partir et comment tu fais après ? Les autres ne te suivront jamais. Conditions de travail difficiles. Toute la journée debout, à faire des tresses.
L’état d’esprit dans les salons ?
F. : malsain. Comme tu travailles à la tête, si tu ne travailles pas et que les autres travaillent, il y a beaucoup de jalousie. C’est une très mauvaise chose. Très malsain. Beaucoup de concurrence entre nous. Dans les salons, je peux vous dire, 90 % des employés ne sont pas déclarés. Ça marche comme ça. En sept ans de travail, je n’ai reçu aucun bulletin de paie. Rien.
Et les contrôles alors ?
F. : c’est tout le problème. Quand l’URSSAF vient, ils disent « Tiens ! l’URSSAF arrive », tout le monde est au courant. Ils sont prévenus. Alors ils nous disent de pas venir travailler ou de partir. Ils demandent aux coiffeurs et coiffeuses de sortir du salon. Quand l’URSSAF arrive, y’a plus personne. Ils savent mais bon… Le contrôle n’est pas assez sévère. Quand ils partent, on reprend le travail. Ça s’est toujours passé comme ça pendant des années.
Comment fonctionne un salon ?
F. : les gérants des salons ne pas les propriétaires des murs, ils sous-louent la gérance. Y’a beaucoup de pression ; ils ont mis les rabatteurs pour travailler à tout prix. Il existe des sous-sols dans les salons. Coiffeuses en bas dans la cave, celles qui n’ont pas de papiers.
Les produits utilisés pour les coiffures ne sont jamais contrôlés. Parfois, les produits sont même fabriqués sur place dans les sous-sols. Ça défrise pas, ça brûle. Tu les mets sur la tête de ta cliente et ça la brûle. Je n’ai jamais vu un contrôle sur les produits afros dans les salons. Les gérants ne veulent pas chercher le bon produit qui coûte cher.
F. montre ses carnets où sont inscrites ses notes de travail : exemple : 30 € une tête ; les tresses 130 €, ainsi de suite. Et ça c’est les preuves. Tu calcules le total, tu le donnes au patron et il te paye. À la fin du mois, je fais le total et il me donne 40 %. Les dernières années 500, 600 € par mois. Y’avait plus de boulot. Tous les salons c’est le même système.
Les gérants nous disent que les salariés sont déclarés.
F. : c’est faux, ils vous mentent. Pendant les sept années, j’ai travaillé dans quatre salons différents, c’est partout le même système.
On me dit aussi qu’il n’y a plus de rabatteurs.
F. : c’est faux, ils sont là. Ils se cachent. Ils se font discrets, mais ils sont là. Ce n’est pas possible de travailler sans rabatteur car il y a de la concurrence.
Qu’est-ce que vous pensez de cette époque ?
F. : c’était malsain. Les gérants ne voulaient pas qu’on avance dans la vie, sinon ils voudraient qu’on ait les papiers. Ce sont des profiteurs. C’était comme une prison. Je souffrais de me retrouver là, mais je ne le montrais pas. C’était pas ma place, je n’aurais jamais imaginé ça. Tout le monde ne pense qu’à l’argent. Les relations sont fausses.
Ce n’est plus de la coiffure. Ce n’est plus de l’art. C’est l’usine des cheveux. Si on contrôlait les salons, si on vérifiait que tout le monde suivait les règles, ça s’arrêterait. Aujourd’hui, ça a évolué. Cela fonctionne avec un système à l’américaine. Ils louent une place à la coiffeuse : par exemple, 2 000 €. Elle paye son fauteuil, puis elle se débrouille pour rentrer dans ses frais. Eux, ils touchent sans rien faire 2 000 € au black par fauteuil. Pour les coiffeuses, c’est très dur, car il faut beaucoup de clients.
Je ne suis pas étonné de ce que cette fille raconte. Si ces salons déclaraient honnêtement leurs salariés , s'ils déclaraient leurs revenus, ils ne pourraient pas proliférer comme ils le font. Il n'y a qu'à se pencher sur les chiffres déclarés, j'aimerai qu'on m'explique comment un salon comme Extra Coiffure qui déclare un résultat négatif de -3000 € en 2010 fait il pour continuer d'exister ?
RépondreSupprimerPourquoi un salon comme celui de Chantal Coiffure continue t'il d'exercer en toute liberté alors qu'il est radié du registre du commerce depuis avril 2010 ?